Le vent et l’or du pin

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De gros nuages chevauchant le vent courraient au dessus des champs. Cette armée blanche panachée de gris était prête à lâcher une volée de gouttes sur la terre assoiffée. Vous l’aurez sans doute compris, il faisait chaud et le ciel annonçait un orage vengeur.

Sieste reportée…

J’étais allongé sous mon pin et contemplais les stratèges du zéphyr quand une bourrasque folle secoua la coiffe de l’arbre. Quelques pignes sèches tombèrent sur l’herbe croustillante en faisant des petits bruits de cure-dents brisés.

Je profitais de cette fraicheur soudaine lorsque qu’un bruit de chute molle retentit, suivi d’une méchante petite douleur à la cuisse. Dressé sur l’instant, hagard, je regardait autour de moi et vit l’objet du délit à quelques paumes de mon pied, un cône de pin tout vert et dense comme un caillou. Secoué par Eole et toute sa clique venteuse, il avait été arraché violemment à son arbre pour tomber comme une brique sur ma jambe. Je me levais rapidement car le vent commençait à montrer son ampleur orageuse. Quelques gouttes furtives parvinrent à mouiller mes lunettes tandis que je rentrais au sec.

L’or des dieux

Le lendemain, je me rendis sous l’arbre et, sur le champ de bataille, aperçu un amoncellement de pives sèches mêlées de quelques consoeurs toutes vertes et gorgées de sève. Je ne pu m’empêcher d’en ramasser quelques unes.

Au creux de mes mains, une poignée d’or vert, fruits poisseux du noble pin aux mille vertus. Quel parfum mes amis! J’en pris quelques-unes pour en faire un sirop délicat, véritable nectar des dieux de la pharmacopée millénaire humaine.

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Mettre les cônes verts dans du sucre, remuer fréquemment et au fil du temps se forme un sirop délicat

Le pin est l’ami de l’homme depuis la nuit des temps. On l’utilise pour son bois, la partie intérieure de l’écorce se mange tout comme les jeunes bourgeons forts prisés en orient. Ses aiguilles sont paraît-il,  en tisane, un remède efficace contre les affection des voies respiratoires. On en fait aussi de la laine pour coussin médicinal. Monsieur Kneipp préconisait des bains à base de bourgeons de pin pour soigner divers maux. L’huile essentielle de pin est encore très utilisée de nos jours.

La sève, elle, joue le plus beau rôle. Utilisée depuis des millénaires dans l’industrie, la pharmacopée et l’alimentation, elle se fait goudron Norvégien, poix, encens du pauvre, colophane des violonistes et autres vernisseurs parfait. Son distillat, la fameuse essence de térébenthine utilisée dans bien des domaines remplace l’ancienne térébenthine issue du pistachier térébinthe, plus difficile à produire. On l’utilisait en vernis pour les mâts bateaux, en poix pour calfater les coques ou pour recouvrir les maisons de bois. Les bergers enduisent encore les sabots de leurs bêtes avec un mélange de ce goudron végétal très prisé aux vertus fongicides.

Dans mon atelier, la colophane et l’essence de térébenthine trônent à côté de l’huile de lin et la gomme-laque, ingrédients essentiels à tout travail du bois.

Mon ami le pin, tu es l’ombre fraîche au parfum de plage ainsi que le gardien de mes nonnettes voilées, tu livres tes trésors lorsque chante le vent.

 

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Un trésor à lui seul