La ronce, cavalerie des bois

Ronce

Une fois installée, il faudra bien se résoudre à utiliser ses mille vertus.

La brume se dissipe et dévoile l’orée d’une imposante forêt de chênes qui surplombe un grand pré. Eparpillés dans les graminées, des pommiers et des pruniers attendent avec frayeur l’assaut des bois.

Ce moment suspendu entre deux camps, chênes d’un côté et fruitiers de l’autre, semble durer des heures. Et puis tout à coup, la charge est lancée! D’imposantes lianes barbelée s’élancent entre les troncs pour jaillir de la forêt, telles des cavalier de terreur à l’assaut de l’herbe frémissante. Le sol crevé par d’innombrables grenades de mûres noires explose en vertes étincelles de lianes pointues. L’avalanche de ronces impitoyables et tortillantes dévale la pente à toute vitesse. Dans la prairie, les arbres domestiques sont submergés par cette marée feuillue gainée de méchantes piques. Impossible d’y résister. La forêt à son tour dévale le talus et pousse la ronce plus en avant vers les lignes ennemies qui fondent comme beurre au soleil. Les chênes lancent leurs fruits, aidés des frênes et des érables. Partout, de jeunes pousses se dressent prêtes à monter dans les airs pour dévorer quelques grains de lumière oubliés. Le pré se réduit comme peau de chagrin, tandis que la forêt gagne du terrain. Et puis plus rien. Du grand pré dégarni, il ne reste que quelques pommiers redevenus sauvages entre hêtres et aulnes à la mine sévère. La forêt à repris ses droits et la ronce poursuit au loin son oeuvre, sous les ordres de la sylve.

Patience…c’est un film d’auteur

Belle fresque guerrière n’est-ce pas? Venez, il reste quelques sièges au premier rang! En tant qu’humain, nous avons droit à la version longue de cette épopée fougueuse. Le mouvement à peine perceptibles des végétaux nous donne un sentiment d’immobilité et de calme, alors que sous nos yeux dupés se joue tout un drame. Autant dire que pour faire durer le pop-corn, nous devrons nous rationner. L’entracte est dans 15 ans. Alors, en attendant de voir bouger la ronce, je vous invite à un petit tour d’horizon sur le sujet.

Tête de pioche…

La ronce prépare le terrain pour l’arrivée des arbres. Envahissante et têtue, une fois installée, elle suivra son plan quoi qu’il arrive. Entre ses piques acérées, poussent de jeunes essences, amoureusement protégées des herbivores. Les biches et autres cervidés doivent se contenter de verdure déclassée, tandis que renards et sangliers en font un refuge de prestige contre tous dangers à deux pattes. Les petits oiseaux et autres rongeurs s’y installent, tous gâtés par l’opulente table de mûres et de chenilles juteuses offertes aux plus véloces gourmands. A qui ne craint pas les piques, la ronce sait se faire généreuse!

Sévère et nourricière

En divine pourvoyeuse des bosquets, elle nous offre ses jeunes pousses en confits, ses feuilles fermentées font un thé délicat, et bien entendu ses fruits se cuisinent en mille préparations goûteuses. Les nombreuses vertus médicinales et gustatives font de cette plante une bonne et robuste compagne de jardin. Les grosses tiges épineuses bien sèches feront d’excellents repousse-chats, une fois posées sur les planches de culture. Il faudra cependant cadrer la plante pour ne pas voir déborder ses tiges plus qu’il n’en faut. Ces longues et nombreuses lianes penchées se marcottent allègrement une fois qu’elles touchent le sol.

Mais que faire alors de toute cette verdure? Faisons donc, par exemple, de beaux paniers tressés avec tout le surplus annuel! Voilà une activité bien plus attrayante que les colliers de macaronis et autres bricolages en kit à tata!

A cette ronce piquante et maternelle, véritable Walkyrie des lisières sauvages, faisons une guerre nourricière. Les dards acérés contre la gelée sucrée, un deal équitable qu’on ne saurait refuser…

Ronce

Rebelle et nourricière

Le lierre grimpant, plus qu’un costume élégant

Lierre grimpant

Ni vampire, ni étrangleur, le lierre grimpant aime son support…

Le plus sage des sages vient de perdre son costume d’hiver. Dans les bois du petit vallon, le glas sonne au son des pies et des corneilles chamailleuses.  Le grand frêne centenaire, autrefois endimanché d’une sublime cape verte, pleure son habit défunt. Dès lors, il sait qu’il ne lui restera plus longtemps à vivre au pied de la ferme qu’il a vu construire. L’homme en pensant bien faire est venu couper son vieil ami le lierre qui se transformera, peu à peu, en instrument de mort.

Mauvais choix

Funeste début d’histoire n’est-il pas? C’est que le lierre à une réputation peu reluisante parmi les hommes. Parasite, envahissant, poison, et j’en passe… que de qualificatifs nés d’imaginaires quelques peu obtus. Avez-vous vu sur les chemins de campagne, ces arbres portant piteusement le cadavre enlacé de feu leur compagnon grimpant? Les voilà séchés sur place, victimes d’une section de liane arbitraire opérée par un serial killer bien connu, j’ai nommé: l’homme.

Procès verbal…

« On pensait bien faire, le lierre étouffait le tronc! » dit l’accusé à la barre du tribunal des sylvains. L’avocat de la défense se leva. C’était un vieil orme dégarni au tronc grisâtre. De sa voix bruissante il dit: « Ne saviez-vous pas que la victime vivait en coopération avec son arbre? En l’assassinant, vous avez possiblement condamné son hôte à une mort lente par transmission de germes ». L’accusé dut se rendre à l’évidence, ce n’était pas son jour. Son frêne centenaire, la fierté de sa ferme allait y passer. Le lierre occis, en pourrissant sur le tronc, allait drainer toute une série de germe et de parasites potentiellement dangereux pour son arbre. Il ne pourra bientôt plus y accrocher la balançoire de sa fille, ni jouir de son ombre par temps de flânerie dominicale.

Une richesse au service de tous

Séchez vos larmes, tout n’est pas perdu! Très résistant, le lierre s’adapte à tous types de supports et, vivant, il ne cause pas de dégâts comme on pourrait le croire. Enfin presque, il n’entame que les murs fragiles et les matériaux de mauvaise qualité… vous savez, ces briques et ces crépis bon marché utilisés un peu partout dans le bâtiment low cost… . Coupé, il repousse et se bouture aisément si le terrain lui plaît.

En s’invitant sur un tronc, il abrite toute une faune et une flore utile à l’arbre et au voisinage. Et comble de coopération, il fleurit à la fin de l’automne pour être sur de ne pas concurrencer son hôte. Les insectes, comme par exemple les abeilles, en sont plus que reconnaissantes. Imaginez ça, un restaurant 3 nectars gratuit en fin de saison! Et c’est pas fini, oh que non! Ses fruits certes toxiques mais gras régalent en plein hiver les oiseaux à l’estomac solide.

Un couteau suisse végétal…

Rangez vos fourches et vos gourdins, éteignez vos torches incendiaires! Il n’est point le Dracula de la canopée, ni l’étrangleur des bas quartiers. Le lierre est l’ami fidèle des sylves sauvages et l’isolant naturel des saines bâtisses.

En ami des hommes sages, il isole les façades du froid hivernal. Par son évaporation, il rafraîchit les pièces en été. Ses vertus médicinales sont encore utilisées de nos jours, notamment contre les toux bénignes et autres affections respiratoires. Comble de gratitude, ses feuilles nous offrent des saponines à foison, pour réaliser notre lessive maison, simple et efficace.

Alors, heureux?

Lierre grimpant

Utile et robuste, il est l’ami des maisons et l’habit toutes saisons

 

 

La mousse, cette alliée indispensable

Mousse

Velours permanent et élégant

Sortie des bois sombres, à l’affut d’une perle de rosée et de quelques particules en suspension dans l’atmosphère, une petite spore virevolte dans l’air matinal et se pose sur un tapis de feuilles mortes. Quelques mois plus tard, le sol autrefois brun mêlé de touffes d’herbe jaunies s’est couvert d’un incroyable tapis de velours émeraude. Ici et là, quelques plantes percent joyeusement la moquette, telles des chandeliers verdoyants posés sur la table d’un bon seigneur. Voici la magie de la mousse, incroyable couturière des troncs lisses et costumière des pelouses ombrageuses.

Quel massacre…

Or, on la craint, pire on l’arrache du sol au moyen d’outils de torture aux noms barbares, tels l’horrible scarificateur ou le terrible couteau émousseur. Au diable les bourreaux des près et leurs techniques infâmes! Laissez donc vivre la mousse verdoyante qui pourtant aime et protège votre sol! Elle prépare amoureusement la terre pour recevoir les futures plantations spontanées ou volontaires, veillant à ce qu’il reste bien humide et gorgé de micro-organismes. La nuit, elle s’offre en festin aux papillons qui à leur tour attirent d’autres auxiliaires utiles à tout un écosystème. Elle est le sanctuaire des sans-abris et le banc de gare pour les oubliés de la pédofaune.

Injustice!

Là où pousse les bryophytes, l’air et le sol sont d’une rare qualité. Les mousses n’attaquent pas le support sur lequel elles sont installées. Elles ne penseraient jamais à mordre la main qui les accueille tout-de-même. Vous n’en verrez pas dans vos planches de cultures, mais sur les troncs et les branches qui les bordent, telles des filtres à particules aux vertus humidifiantes.

Tout un monde…

Prenez une loupe, ou mieux allongez-vous à plat-ventre pour observer la diversité des mousses. Plus de mille quatre cent espèces en Europe centrale forment une minuscule jungle dans la forêt  et se languissent de votre attentions. Minis arbres, micro-fougères et autres cactus extraterrestres seront au rendez-vous pour vous émerveiller dans un mouchoir de poche. Peut-être même que vous aurez la chance de croiser un myriapode à la poursuite de collemboles sauteurs, ou alors la tête luisante d’une girolle entre deux feuilles, qui sait.

La mousse, onctueuse à au regard, saura se glisser dans le jardin en discrète compagne des pieds nus. Et lorsque nous dormirons, entre deux songes, elle filtrera l’air de nos légumes et absorbera le mucus des limaces en douce ouvrière des litières.

Mousse verte, la porte de mon jardin restera toujours ouverte!

Mousse

La mousse fait partie de tout un écosystème

 

Le trèfle blanc, petit et élégant

trèfle_blanc

Discret et nourricier pour les butineurs

La grande faux mécanique vient de passer dans le verger. Il ne reste qu’une délicate odeur de prairie fraîchement rasée de près. En s’y attardant un peu, entre deux andins d’herbe, on distingue quelques têtes blanches réunies en foule silencieuse. Ce sont les candides trèfles blancs, petits pompons guillerets butinés en masse par la caste bourdonnante des hymènoptères. Leurs feuilles délicates et trilobées n’ont pas été coupées. Cette petite plantule a compris l’astuce en se faisant toute petite si nécessaire, pour passer sous les crocs des fraiseuses et autres rotors bruyants du samedi matin. Il rampe ce coquin blanc, pour s’étendre et faire la nique aux grandes reines des près et autres oseilles sauvages des quartiers verts.

Un timide au grand coeur…

Le trèfle s’égare parfois sur le potager, entre deux radis et une amarante blette, mais il ne vas jamais très loin. Notre aimable trèfle préfère se fondre dans les grandes étendues d’herbes car on le sait un peu timide. C’est que la foule herbeuse l’apprécie bien. Tel un robin des bois, en plein jour, il vole l’azote à l’air pour le redonner à la terre… . Nos légumes en auraient bien besoin aussi, c’est pourquoi il est semé en engrais vert sur les plates-bandes des jardiniers en mal de sensations naturelles.

Pas filou du tout

Tout comme son cousin le trèfle des près violet, notre galant à frimousse de coton fait le bonheur des amateurs de pâtures. Dans notre assiette, ses petites têtes fleuries sont un délice en salade. Les jeunes feuilles fraîches au goût de pois accompagnent parcimonieusement les crudités. Cuites, elles se fondent en velouté d’herbes folles pour le plaisir des amateurs simples et gourmands.

Pas de doute, c’est un charmeur tranquille au vertus utiles. Dans toutes les combines, et par tous les temps, il est présent tel un valet de pied à l’affut d’une aide portée à bon escient. Aimons-le, malgré son teint blafard et sa fougue toute rangée, il nous le rendra bien sous la dent.

À ce flocon rampant des belles saisons, j’offre une petite illustration.

Trèfle_blanc

Le trèfle blanc, un atout pour tout

Le chiendent, bâtard des champs

Chiendent

Entre deux dalles, il s’installe sans vergogne

Tout scintille sur les plates-bandes. Après deux heures de binette la semaine dernière, la terre marron embaume les épices, les légumes pointent leurs nez hors de leur berceau minéral et… attendez une minute… bon sang, le revoilà! Sacré chiendent, à peine arraché, rasé, tondu, brûlé, traité, il remet le couvert comme si de rien était. Coriace notre ami, n’est-ce pas?

Rebelle…

Même sous un épais manteau de paillage, il s’amuse à percer la couche. Il pointe ses tiges vulgaires pour nous rappeler que le véritable maître de la place, c’est lui. Pas de doute, c’est un pro du survivalisme. Les rudes explorateurs lâchés au milieu des plaines arides de Sibérie pour vivre à la dure (et qui se nourrissent de petites cochonneries sylvestres)  font l’effet de bimbos de plage en comparaison du chiendent. On dit même qu’il aurait pu figurer dans de grands films d’action, si Chuck Norris ne lui avait pas volé la vedette, mais oui, rien que ça! Il gagne quand-même la palme d’or des super-terreurs du potager, chaque année.

Une guerre vaine…

Comme dans les films, il faut toujours tirer deux fois sur le méchant (ce que vraisemblablement les héros de série Z n’ont toujours pas compris malgré la quantité de navets produits). Le chiendent c’est pareil. Brulé, il revient en force. Tondu, il s’étoffe de plus belle. Déchiqueté, il se multiplie en masse. Mais bon sang, à quoi sert-il?

On ne chasse pas le chiendent, on le maîtrise par de subtiles stratagèmes plus ou moins fastidieux. L’arrachage manuel après une légère aération du sol pour ne pas couper les rhizomes, et la plantation permanente de cultures ainsi que d’engrais verts font une bonne concurrence à cette herbe récalcitrante. Le soucis et l’oeillet d’Inde ont la faculté de repousser les rhizomes à têtes chercheuses de ce cuirassé des terres. En dernier recours, lors d’invasion massive et de douleurs lombaires, une bâche opaque appliquée sur la planche de culture, durant six mois, permet de remettre le compteur à zéro.

Tout de même utile

Et bien mes chers, comme toute oeuvre de la nature, le chiendent à son utilité. Fourrage délicat et apprécié des ovins, il est aussi recherché par les chien et les chats à titre de purge intestinale. Pour les humains, les rhizomes honnis ont été consommés en farine d’appoint dans le pain, les jours de disette. Les jeunes pousses se mangent. Ses vertus médicinales, toujours au niveau des rhizomes, en font un excellent diurétique et un bon traitement d’appoint des affections rénales. Au temps des pirates tricornés, il comptait officiellement parmi les remèdes embarqués des infirmeries maritimes.

Mais alors…

Pourquoi ne pas prélever le chiendent, et utiliser ses racines séchées au même titre qu’une simple? Fastidieux vous dites? Et quid des amortis du bocal qui passent des heures à décortiquer le cratte-cul pour en faire de la confiture? Je dis moi que c’est pareil. Ainsi, notre point de vue changerait et nos reins en seraient reconnaissants. Nous n’irions plus massacrer le chiendent, mais partirions à la récolte bucolique d’une herbe aux nobles vertus, sous le regard ébahi de nos chiens et chats purgés.

J’annonce donc au Gengis Kahn des plates-bandes que mon potager est prêt à accueillir une petite délégation des près, sous bonne surveillance.

Chiendent

Utile mais difficilement maîtrisable

 

 

 

 

 

Le plantain, petit pharmacien des grands chemins

Plantain lancéolé

Plantain lancéolé et fier de l’être apparemment

Le long des routes poudreuses, autrefois pratiquées par les pèlerins et les marchands de soie, pousse un compagnon timide, presque minuscule. Entre deux cailloux de grès ou alors épanoui en touffe lancéolée, le plantain est de ceux qui préfèrent se la jouer discrète. Il est le sherpa qui se dissimule sous l’imposante pile de bagages, le gentil serveur du café d’en face dont on ne se rappelle jamais le visage, ou alors l’ineffable bibliothécaire qui soigne en silence les incunables d’un rayon oublié.

C’est qui déjà?

Feuilles plates, fines, courtes, mais non, longues, cornues… eu…, fleurs longues, courtes, en toupet, enfin, tout est réuni  pour ne pas réussir à le décrire. C’est qu’il en existe plus de deux cents variétés différentes. Et pourtant lorsqu’on le voit, l’évidence saute au yeux, nous le reconnaissons sans hésitez. c’est celui que l’on regarde sans vraiment y penser, au pied de la clématite. Mais oui, le truc là, qui pousse entre deux cailloux.

Petit et costaud…

Notre ami, vous vous en doutez, est bien plus qu’une simple machine à photosynthèse. En prélude à son éloge, sachez qu’il tapissait nos panses bien avant les plus simples pitances. Il se mange cru ou cuit depuis belle lurette. Il a fallu un jour que ce salaud d’épinard lui vole la vedette, et depuis plus rien. Qu’avons nous fait pour le condamner à l’exil vers les friches arides et les entre-dalles de chantier?

Au jardin, obstinément, nous érigeons en as et portons en gloire le Calendula, la Camomille, le Soucis, le Millepertuis et bien d’autres encore, plantés en divins guérisseurs du potager des simples avec une fierté toute gonflée.  Le plantain lui est relégué au rang des troubles-tiges et grignote quelques centimètre carrés à l’ombre des élites florales. C’est une grave erreur que de l’abandonner, car qui donc est écrasé en premier entre les doigt pour en extraire un jus miraculeux qui va calmer les piqures d’insectes et les brûlures de tous poils? Mmm? C’est le plantain!

Toutes ses parties, en particulier les feuilles et les racines possèdent des vertus médicinales dont les plus connues sont un effet antiseptique et anti-inflammatoire. A l’époque des voyages à pied, il n’y avait qu’à se pencher et le cueillir pour manger autre chose que du pain sec et de l’eau de marre. On en fourrait au passage deux feuilles entre le pied et la chaussette pour voir disparaître cloques et douleurs d’effort, si si, je vous assure madame!

Patient et résistant!

Le plantain, en masse au bord des routes, tel le supporter bedonnant d’une course à vélo, attend toujours d’être choisi pour soulager les innombrables marcheurs dans le besoin. Mais de nos jours, il ne rencontre que quelques pneus de VTT et se courbe sous la semelle des randonneurs.  Ceux-ci, dopés aux barres hyper-protéinées, scrutent leur podomètre et calculent fiévreusement leurs performances sans jamais le voir!

Le plantain s’en moque vous savez? Il supporte notre dédain avec pragmatisme et attend patiemment des âges meilleurs, quand les hommes se rappelleront les services rendus aux bord des routes sinueuses.

Alors, au petit copain des pèlerins et au grand guérisseur des terres paumées, je dis chapeau bas!

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Petit mais costaud

L’intrépide Chénopode blanc

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Peu aimé et récalcitrant, pourtant…

Conquérant des friches et des terres caillouteuses, l’intrépide chénopode blanc s’installe en roi des champs. A l’aise dans tous les terrains, il est l’écharde dans la main du menuisier, le coin de table des orteils meurtris, la calvitie précoce de l’agriculteur.

Se plaît dans un palais

C’est que notre végétal reste campé sur ses acquis. Il y a quelques centaines d’années on le cultivait dans tous les jardins à titre d’épinard et de crudité. Riche en vitamines et minéraux il est excellent. On l’aperçoit de plus en plus sur les cartes des restaurants raffinés, accompagné d’aliments de marque parmi bien d’autres curiosités locales. A notre époque, cuisiner des herbes qui poussent sur les gravats revient à placer la cantine des ornières au rang d’orgasme culinaire. Tant mieux si d’ingénieux alchimistes du goût parviennent à redonner un peu d’or au blason des plantes mal aimées. Cela veut-dire après-tout que nous mettons constamment les pieds dans le plat.

Un empereur déchu…

Hélas, à ce jour le chénopode cumule les bévues et son impétuosité le place au premier rang des pires mauvaises herbes mondiales. C’est qu’un seul chénopode peut engendrer une armée de cent mille soldats entrainés à survivre sur tout type de terrains et prêts à résister aux pesticides les plus agressifs. La bataille est vaine, vous en conviendrez. Il faudra ruser pour déjouer le stratège et laisser tomber l’artillerie lourde pour tenter de vaincre le vert par le vert.

Au jardin il s’arrache sans pitié comme bien d’autres herbes malaimées et c’est dommage. Sans le savoir, nous délogeons une source alimentaire gratuite d’un côté tout en éclaircissant parcimonieusement nos épinards de l’autre, pour finalement les voir monter tout chétifs en graine.

Au roi des aires rudérales, je dédie cette fiche pour que, dans les livres d’histoire botanique imaginaire, perdure la légende d’un conquérant maudit.

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Tenace et nourrissant

 

Une histoire de pourpier

Pourpier

Je profitais d’une balade en poussette avec le petit pour flâner un peu dans les rues du village. La tête dans les nuages, mes yeux se posèrent sur un jardin potager bien ordonné. Vous savez, à l’image de ces cartes postales Suisses qui montrent de jolis chalets pittoresques. On aurait bien envie d’y vivre, et puis finalement on se rappellerait combien de temps passent leurs propriétaires à nettoyer et à courir après les petites choses sales un peu partout sur la pelouse et devant la porte, pour finalement s’en écarter poliment et laisser ce luxe aux vilipendeurs de temps.

Donc, au milieu des plates-bandes bien délimitées au motoculteur, entre des rangs de poireaux dressés au cordeau et au pied de quelques plants de tomates au garde-à-vous, poussaient trois jolis petits pourpiers étalés en flaques grassouillettes. Voici trois contestataires, me dis-je, semés d’infortune dont le vent avait malicieusement placé leur destinée au beau milieu d’une allée.

Carnage…

Je rêvait de poésie anarchiste et contemplait mes trois dissidents du bosquet quand  tout à coup une faux s’abattit brutalement sur les indociles plantules, arrachant leur corps menus dans un fracas de terre écartelée. Au bout de cette houe de la mort, côté manche, s’agrippait une dame d’un certain âge dont le faciès épuisé et amer m’inspirait une envie de fuite immédiate. Sans procès, après quelques explosions de terre, pliée en deux au dessus du carnage, elle ramassa les pourpiers et les balança sur un tas de compost avec le geste digne d’un lanceur de disque greco-romain . Je vis les plantes tournoyer en l’air, désarticulés comme des étoiles de mer dans un typhon, pour atterrir mollement sur des résidus de tonte.

L’histoire était finie, le potager avait retrouvé son calme et les allées étaient à nouveau libres de tout importuns. Dans ce jardin, il ne manquait plus qu’un panneau lumineux arborant un slogan du genre: « saloperies de mauvaises herbes, go home! » .

Un héros

Arrivé à la maison, je me précipitais vers mon petit pot qui avait autrefois hébergé deux grosses laitues. Maintenant il accueillait l’unique jeune pousse spontanée de pourpier de tout mon potager. Il était toujours là évidemment, poussant gentiment, prometteur d’une conquête légendaire et silencieuse pour mon plus grand bonheur. Celui-là allait grandir et s’épanouir jusqu’à ce que ses petits soient utilisés à leur juste valeur, comme bombes nutritives et gustatives pour mon plus grand bonheur. Minéraux, omégas-3 et bien d’autres richesses alimentaires, le pourpier à tout pour plaire!

Moralité: le pourpier fond dans la bouche, pas sous les pieds…

Pourpier

 

Le lierre terrestre, un ami de longue date

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Ce petit rampant rondelet et dentelé à longtemps été dans mon jardin un invité peu apprécié. A l’époque, je me suis longtemps plié en deux pour tirer ce fin cordon parsemé de couronnes vertes et de fleurs délicates. Mais à peine retiré, le vilain se pressait pour réapparaître à d’autres endroits, allongé tel un petit doigt d’honneur, certainement pour me signifier l’absurdité de la tâche accomplie.

Si j’avais su…

En observant d’un peu plus prêt ce petit végétal, j’ai vite compris qu’il était bien plus qu’un pique-terreau et qu’un suce-moelle.  Son destin parmi les plantes potagères n’était pas de semer l’anarchie parmi les planches de cultures bien ordonnées, pour autant qu’on le respecte un peu.

Vous connaissez la musique, on cherche sur internet, les sites sont épluchés à la recherche de la moindre information sur la plante, les livres de botanique sortent de leur poussière et hop, voilà notre viridant gringalet de potager devenu parangon de vertus.

Que du bon!

Parce que oui, le lierre terrestre fait pleins de choses pour nous. On l’utilisait à la place du houblon pour brasser d’étranges bières qui ne se font plus (dommage), ses fleurs se mangent en salade, avec le feu et le sucre il se transforme en sirop, il possède des vertus médicinales et évidemment, comme n’importe quelle plante qui porte la mention « comestible », certains se persuadent d’en faire un pesto (j’ai plutôt l’impression sur ce coup là que l’on cherche à masquer le goût dég…original de la plante avec de l’huile et du sel). D’autres usages existent et je vous invite à faire vos recherches sur le sujet.

Toutes ces vertus sont secondaires à la principale qui, selon moi, nécessite de garder notre ami vivant. Avant d’être coupé, défleuré, cuit, hâché, infusé, et j’en passe, ce petit lierre fait un excellent et esthétique couvre-sol d’appoint. Il empêche ainsi d’autres herbes de proliférer et retient l’humidité tout en amenant une fraicheur au sol pour le plus grand bonheur de notre micro-faune candide. Pas belle la vie?

Planche de culture

Lierre terrestre couvrant le sol d’une place bordelibucolique

Donc, je dédicace cette petite fiche à mon ami du jardin, espérant ainsi qu’il me pardonne d’avoir arraché ses pairs dans mes potagers antérieurs 😉

lierre_terrestre

Un de mes meilleurs amis du jardin